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Vous n’êtes pas des hommes, des vrais !

Campagne be normal. - Celio x Buzzman

Tous droits réservés à la marque et son agence

Les hommes de la rue sont les mêmes que dans les pubs ? Pas tout à fait ! Depuis 2021, Celio nous le fait bien comprendre avec sa campagne de marque : “be normal.” signée Buzzman. Aujourd’hui, son analyse se concentrera uniquement sur la première campagne d’affichage qui a été diffusée le 7 juin 2021. Certains éléments peuvent donc sembler pas ou peu pertinents car présents dans les autres campagnes. 

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Pourquoi cette campagne fonctionne ?

La société occidentale dans sa globalité a bien compris que la représentation de la femme est souvent erronée. Mais qu’en est-il des hommes ? Si depuis le début de la pandémie de Covid, le mouvement bodypositiv a pris de l’ampleur, il est essentiellement tourné vers les femmes. C’est à croire que les hommes ne sont pas complexés, qu’ils sont tous bien dans leur peau. Pourtant, ce n’est pas vraiment le cas. Dans un article signé l’ADN, certains osent parler du gouffre entre les représentations du corps des hommes dans la société et la réalité. 

Le message de la campagne (avant-gardiste pour l’époque si je puis dire) trouve donc sa puissance dans son timing. C’est en mettant en valeur les hommes de toute corpulence et de toute ethnie que Celio se libère des diktats de la société. Il met à l’honneur les hommes, les VRAIS. Et ce n’est pas pour rien que cette campagne a donc marqué les esprits. D’après Carlos Santiago, “Les annonces les plus efficaces et percutantes reflètent toujours les consommateurs de façon authentique, avec des réflexions positives. Ces annonces améliorent la perception et l'efficacité de la marque, et elles boostent l'intention d'achat et la fidélité de façon significative". Ces faits sont ressortis dans une étude de 2019 menée par The Female Quotient, en collaboration avec Google et Ipsos. Pour ceux qui s'intéressent au comportement des consommateurs, cette étude est absolument à lire. Pour compléter ce point, Tangram Lab explique que les publicités inclusives sont plus mémorisables de par leur caractère inattendu. Ce n’est donc pas pour rien que “be normal.” a marqué les esprits. Elle s’impose dans un contexte qui lui est favorable.

 

Cette campagne n’est pas seulement une campagne portée sur les corps. Elle va au-delà des clichés qui prônent une forme de misogynie. Ici, on est très loin de la représentation de l’homme “traditionnel” avec une femme qui s’occupe des enfants et des courses. Dans cette campagne, on ne valorise pas le fait que l’homme le fasse (“aussi”), on les représente simplement dans des scènes du quotidien. Celio ne le souligne pas, car ils sont juste “normaux". 

 

Pour aller plus loin que l’évidence, la philosophie de Roger-Pol Droit est intéressante. Il permet de s’intéresser à un point précis : la démarche des mannequins. Ils marchent comme sur un catwalk. Cette démarche appuie l’idée de la campagne. C’est un fait. Ce qui est intéressant ici est de savoir comment cela pourrait parler à notre subconscient. Dans Comment marchent les philosophes, Roger-Pol Droit expose le rapport entre la marche et la pensée. Il nous dit : “La pensée [...] avance en provoquant le risque de son effondrement, en ne cessant de le contrecarrer par un nouveau rebond, un nouvel élan. [...] La pensée ne progresse, elle aussi, que par équilibre instable. Elle se déstabilise et se rétablit indéfiniment, pour aller plus loin.”. Le lien avec notre campagne est tout trouvé. Via la marche du mannequin, sa localisation (supermarché), son action (s’occuper de son enfant) ou son ethnie (asiatique, métisse), Celio semble exposer sa possible volonté de bouleverser les normes de la mode masculine. La marche à la façon de celle des catwalks va bien plus loin qu’une envie de mettre en avant les “vrais” hommes comme des mannequins. Elle semble montrer qu’un changement doit être fait. C’est en partie pourquoi ce visuel fait sens.

 

Ce sont autant d’éléments qui participent à la démarcation du positionnement de la marque face à ses concurrents. L’avant-gardisme de cette campagne en fait sa réussite !

Pour aller plus loin !

On pourrait donc se dire “what else ?”, Une campagne aussi bien ficelée peut-elle être encore mieux ? Comme tout, oui ! 

 

Le spot vidéo de la campagne affiche plus de diversité, et notamment des minorités peu représentées dans la publicité. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans la campagne d’affichage. C’est d’autant plus dommage que l’affichage a été plus retenu. Il suffit de sonder votre entourage pour vous en rendre compte.

 

Pour aller plus loin, de manière globale que ce soit dans le spot ou l’affichage, les personnes âgées ne sont pas représentées. Avant de développer ce point, il est important d’en préciser un. L’objectif de cette campagne de marque était de sortir la marque de son image qui devenait vieillissante et d'attirer une cible jeune. C’est ici qu’on perçoit les limites du message. Lorsqu’on parle de montrer que TOUS les hommes sont normaux, on se doit de ne pas en invisibiliser une partie. Pourtant, montrer des seniors (+ de 65 ans) pour attirer des jeunes n'est pas très stratégique. Malgré tout, il est possible de le faire. En montrant une majorité de jeunes et en représentant peut-être 1 ou 2 seniors. Contrairement à ce que les marques peuvent penser cela peut s’avérer extrêmement bénéfique et différenciant. Et oui, les “vieux” eux aussi veulent être stylés ! Pour l'anecdote, mon grand-père portrait des Stan Smith. Ce n’était pas la cible mais il adorait que ses petits-enfants lui disent qu’il était le grand-père le plus stylé. Donc oui, nos seniors ont leur place dans cette campagne et c’est dommage qu’ils n’en fassent pas partie.

 

Bien sûr, ici, on cherche à aller plus loin. Il est fort probable qu’agence comme annonceur y ait pensé, mais que par peur de s’éparpiller ou de se détourner de la cible, ils aient décidé de ne pas le faire.

 

“be normal.” est une campagne qui prône l’authenticité, le vrai. Le rendu très lisse des visuels dénote de ce qui est prôné. Le supermarché est parfaitement ordonné. Les jouets d’enfants sont mis en bordel de manière très organisée, avec une certaine forme d'alignement qui fait faux. Autre point, les affiches semblent utiliser l’IA. Ce qui y fait penser est le visage du bébé, les restaurateurs en arrière-plan,… si utiliser l’IA dans ce type de campagne est intéressant (en termes de coût, de droit à l’image,…), il est pertinent de communiquer dessus. Selon moi, hormis pour le bébé, l’IA n’avait aucun intérêt notamment au vu de la qualité du rendu. Bien sûr, il faut faire le lien la date de création des visuels. En 2021, l’IA était nettement moins performante qu’aujourd’hui. C'étaient les débuts, d’où le rendu pas forcément réussi.

Au final

Mais au final on en pense quoi de cette campagne ? Elle est excellente ! Et c’est pour cela qu’elle a marqué autant les esprits. S’il est important de mettre en lumière les axes d’amélioration de cette campagne, “be normal.” de Celio est une campagne de repositionnement de marque incroyablement efficace. Preuve en est que les chiffres ont donné raison à la marque de poursuivre le concept sur plusieurs années. En juillet 2021, la marque a vu son image en tant que “référente sur le marché du prêt-à-porter masculin” avancé de 20 points (source). La campagne a permis à l’enseigne de réaliser 15 % de chiffre d'affaires supplémentaire par rapport à l’avant Covid. Via cette campagne Celio et Buzzman nous montre que les hommes que nous voyons dans la pub ne sont pas ceux que l’on croise dans la rue. C’est une campagne dans son temps, qui décomplexe et nous fait du bien. Oui, les hommes dans la publicité ne sont pas ceux que nous voyons dans la rue. Oui, les hommes normaux sont ceux qui sont dans la rue. Et oui, on ne les représente pas (assez) ! Merci Celio de nous le rappeler. 

L’ADN de BUP - la PUB à l’envers !

BUP est un blog qui s’intéresse aux mécanismes qui font (ou défont) la publicité. Chaque article mêle contexte socio-économique, enseignement sociologique, philosophique, technique, analytique,… pour comprendre pourquoi une campagne réussie (ou non). Sans juger leurs créateurs ou affirmant quelconque mécanisme de penser, BUP met en lumière des faits et propose des pistes de réflexion et d’amélioration.

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